Le bourg dormait paisiblement. Les hommes qui avaient détruit le camp de l’ermite y jouissaient de la tiédeur de leur lit. Huttunen poussa un hurlement menaçant, d’abord d’une voix sourde, puis à pleins poumons, un cri sonore et démentiel. Le hurlement insensé, porté par une nuit d’été limpide, atteignait le village. Les chiens s’éveillèrent au bruit, commencèrent à aboyer, la nuque hérissée. Ils donnèrent bientôt tous de la voix, jusqu’au plus petit roquet, jappant et clabaudant de toutes leurs forces. Ils essayaient de répondre au clair hurlement de Huttunen venu des rochers du mont Reutu. AU loin, on entendit les aboiements se propager dans tous les villages voisins et les chiens de la contrée ne se calmèrent qu’au petit matin, alors que Huttunen lui-même s’était rendormi sur les aiguilles de pin du mont Reutu.
Perosnne ne dormit cette nuit-là au village. Plusieurs fermiers allèrent en chaussettes sur leur perron écouter les hurlements, puis rentrèrent dire à leur femme :
– C’est Nanar qui hurle là-bas.
Les bonnes femmes soupirèrent, effrayées, et remarquèrent :
– Il aurait fallu le laisser en paix. Il se plaint, le pauvre, maintenant qu’on lui a volé toutes ses affaires.