«Parmi tous ces bois ayant abrité les contrebandiers du sel, les plus souvent cités dans les procès-verbaux des employés de la gabelle étaient ceux des Colettes et de Nade, dans le Bourbonnais, près de Gannat. Là, dans ces lieux inhospitaliers, vivait en permanence ou une partie de l’année, un peuple nombreux de bûcherons, de fendeurs de bois, de scieurs de long et surtout de sabotiers, tous gens ‘assez sauvages’ qui habitaient dans des cabanes construites de leur propres mains. Ils avaient aussi leurs cabarets et formaient, selon l’expression de l’intendant à Moulins, d’Ableiges, ‘une espèce de République’, un Etat bien à eux où les lois et les impôts du Royaume n’avaient plus cours. Ils régnaient en maîtres absolus sur ces bois d’où personne n’osait les chasser, car, toujours prêt à s’entraider, ils pouvaient rassembler à tout moment une armée redoutable de six à sept cent farouches gaillards, munis de cognées, de serpes, de haches, armes dont ils savaient se servir de façon efficace, si bien qu’il était presque impossible de les réduire par la force. Cette curieuse République hébergeait volontiers ceux qui avaient eu des démêlés avec la justice : déserteurs, vagabonds, voleurs… et accueillait également les faux sauniers (contrebandiers du sel).(…) Pour essayer de mettre un terme à cet état de fait, une ordonnance du 28 Septembre 1705 interdisait à quiconque de s’établir et de construire des loges dans les bois des Colettes et de Nade sans la permission écrite de l’Intendant, sous peine de se voir condamné aux galères à perpétuité.»